Par Gabriel MOLISO, Chef de Département de Recherche et Communication du PPSSP asbl
En début Mai 2021, Le Président de la République Démocratique du Congo informait les Congolais de l’entrée en vigueur de l’État de siège ; un « dispositif juridique généralement mis en œuvre par le gouvernement en cas de péril imminent (insurrection armée ou invasion étrangère) pour la nation ». Avec l’État de siège, il y a remplacement direct de l’administration civile par l’administration militaire. Utiliser ce terme « État de siège » aujourd’hui, c’est reconnaître aux yeux du monde que les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri sont en feu et à sang. C’était en effet, affirmer qu’un état d’exception était devenu indispensable après deux décennies de calvaires de populations dans la partie Est de la RDC singulièrement celles de provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. L’histoire rappelle que la crise humanitaire dans ces deux provinces paraît être l’une des plus graves dans le monde de par son intensité et son ampleur. Les populations paient le plus lourd tribut et présentent une vulnérabilité extrême, d’une part liée à leur exposition aux zones de combat et d’autre part aux mauvaises conditions de vie. En vrai, ces deux provinces sont grandement affectées.
Avec cette instauration de l’État de siège, un arsenal militaire a été déployé dans les deux provinces entraînant terreur et panique dans le chef de populations et même dans les rangs de groupes armés avec des mouvements pendulaires non structurés. Dans la province du Nord Kivu où le PPSSP mène les activités de lutte contre le Paludisme, le VIH, la tuberculose et la Covid-19 avec le financement du Fonds Mondial ; un nombre important d’intervenants humanitaires ont réduit voire stopper leurs actions dans certaines zones de santé. Le PPSSP spécialiste du Congo profond avec ses bureaux aux côtés de bénéficiaires dans les zones de mise en œuvre se voit continuer sans interruption ses actions en mettant en place de nouvelles stratégies de travail afin de continuer à offrir ses services aux populations en besoin malgré l’insécurité. « Quel que soit le degré d’insécurité pendant l’État de siège, le PPSSP dans ses interventions ne fléchit pas, il est toujours aux côtés des populations » indique un responsable du gouvernement Congolais lors de son passage à Goma.
La persistance des actions du PPSSP dans les provinces sous État de siège est à mettre à l’actif du partenariat respectueux qu’il développe en termes d’approche contractuelle avec les divisions provinciales de la santé, les zones de santé, les services à encrage communautaires, les dépositaires d’enjeu et les leaders d’opinion dans ses zones d’intervention. Depuis le mois d’Avril 2020, le PPSSP asbl a décroché un nouveau projet Fonds mondial à être exécuté dans l’ensemble de la province du Nord Kivu sous la responsabilité de Sanru asbl, une ONG nationale du droit Congolais et de Cordaid RDC (une ONG internationale du droit Belge).
Engagement et stratégies du PPSSP asbl
Déterminé à veiller à ce que tous les ménages dans la province du Nord Kivu aient accès à leur juste part aux services publics de santé et qu’ils soient protégés aussi bien les uns que les autres contre les risques liés au Paludisme, VIH, Tuberculose et Covid-19 ; dans un contexte de crise humanitaire sans précèdent, le PPSSP n’a pas reculé dans son engagement en dépit de l’insécurité de mettre en œuvre le projet Fonds Mondial dans l’ensemble de 34 zones de santé de la province du Nord Kivu sous État de siège. Les zones d’intervention étant majoritairement compliquées et parfois inaccessibles, les stratégies mises en place par le PPSSP ont payé. Pour exemple, l’axe Mweso, Pinga et Walikale, un des axes compliqués en termes d’accessibilité géographique et sécuritaire, le PPSSP a acheminé dans un délai record plus de quinze milles moustiquaires imprégnées d’insecticides, de consommables médicaux et de médicaments en faveur des populations du coin. Quand l’insécurité devient intenable, la population n’est toujours pas abandonnée par le PPSSP/Fonds Mondial, une mission héliportée est négociée avec les avions du Programme Alimentaire Mondial (PAM) utilisées par la mission d’organisation de nations unies pour la stabilisation de la RDC (MONUSCO en sigle) pour faire parvenir les intrants dans ces zones à risque.
Eringeti, une localité à la limite de la province du Nord Kivu dans la zone de santé d’Oicha à plus de 400 kilomètres de la centrale de distribution régionale des médicaments est aussi servi à temps réel ; le PPSSP répond bien à ses exigences en matière de transport mutualisé des intrants de lutte contre le Paludisme, le VIH/TUB et la Covid-19 jusqu’aux derniers kilomètres.
Les actions PPSSP/Fonds Mondial sont aussi visibles à Kamango ; une zone de santé enclavée dans le parc national de Virunga. Malgré que cette zone de santé se trouve dans le triangle dit de la mort, le PPSSP y fait parvenir les intrants. Pour ce, un cabotage des intrants est fait en passant par l’Ouganda voisin et ainsi la population de Kamango est servie en intrants Fonds Mondial.
De Butembo vers les zones de santé du rift Graben, bastion des groupes armés, les intrants sont approvisionnés en temps réel. Dans les endroits éloignés des centres de santé, les sites de soins communautaires ont été mis en place, ils sont aussi mensuellement servis en intrants en dépit de leur localisation dans des zones à accès difficile. Des missions de suivi de proximité en faveur de zones de santé, centres de santé pour la traçabilité et l’amélioration de la qualité de données sont organisées. Un plan de gestion de risque sécuritaire est toujours établi avant chaque mission de terrain et avant chaque déploiement des intrants, ceci permet d’orienter les itinéraires à suivre pour se mettre à l’abri de l’insécurité. Des contacts permanents sont toujours maintenus avec les leaders politico-administratifs dans l’ensemble de rayon d’action du projet PPSSP/Fonds Mondial.
Malgré quelques difficultés contournables, on note que l’approche qu’utilise le PPSSP dans la mise en œuvre est appréciée. Après son évaluation de performance par ses Principaux Récipiendaires et autres équipes (CCM, LFA,…), la moyenne de note qu’il a obtenu pendant la mise en œuvre des activités Fonds Mondial sous État de siège lui a valu l’obtention du projet 2022 de la campagne de masse de distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticides de longue durée d’action dans l’ensemble de la province du Nord Kivu. A ce jour, plus de 5 973 000 moustiquaires sont distribuées aux ménages estimés à 1 854 474. L’activité de la campagne a été menée selon la stratégie dénombrement et distribution porte–à–porte.
Implémentation des projets Fonds Mondial dans le Nord Kivu
En terme du poids d’activités Fonds Mondial dans la province du Nord Kivu, le PPSSP implémente le ¾ et reste et demeure un partenaire opérationnel de taille pour le Fonds Mondial, et consolide par ricochet son positionnement comme Sous-Récipiendaire privilégié dans la division provinciale du Nord Kivu.
Pour rappel, dans la Division Provinciale du Nord Kivu, les activités Fond Mondial sont exécutées par le PPSSP dans toutes les 34 zones de santé que compte la province avec ses 35 Hôpitaux Généraux de Référence, 109 Centres de santé de référence, 706 formations sanitaires et 328 sites de soins communautaires (SSC). Avec l’appui du Fonds Mondial via le PPSSP, ces différentes formations sanitaires ont bénéficié aussi d’un renforcement des capacités en système de gestion des fonds et intrants, la planification et la réalisation des activités de communication, de prévention, du diagnostic et de prise en charge des cas et l’analyse de données à loger dans la plateforme DHIS2 et CordaidSIS.
Quelques contributions phares du projet Fonds Mondial
Malgré l’état de siège décrété par le Président de la RDC, les stratégies réfléchies mises en place par le PPSSP ont facilité et continuent à faciliter l’exécution à bonne et due forme des actions du Fonds Mondial dans la province du Nord Kivu. Au stade actuel, les conditions sanitaires, socio-économiques et environnementales dans lesquelles vivent les populations sont améliorées car le fardeau humain et socio-économique dû au paludisme, au VIH, à la Tuberculose et à la Covid-19 est réduit. En tout, le Paludisme reste la première cause de consultation en Afrique Sub-Saharienne et dans la Province du Nord Kivu en particulier.
Ci-joint quelques résultats phares enregistrés pendant la mise en œuvre des activités sous Etat de siège (Source DHIS2 et Rapport de la distribution Miild, PPSSP 2022) :
- 96 % de femmes enceintes reçues à la première consultation prénatale (CPN1) ont bénéficié de moustiquaires imprégnées d’insecticide de longue durée distribuées de manière continue ;
- 5 973 000 moustiquaires imprégnées d’insecticide de longue durée sont distribuées aux ménages dans la province un Nord Kivu lors de la campagne de masse 2022 ;
- 98% de cas suspects de paludisme au niveau de sites de soins communautaires ont été soumis à un test parasitologique (Test de Diagnostic Rapide) ;
- 92 % des structures de santé intégrées dans la division provinciale de la santé du Nord Kivu n’ont pas connu de rupture de stock en antipaludiques (ACT) ;
- 97,28% de cas suspects de paludisme confirmés ont reçu un traitement antipaludique de première intention dans la communauté ;
- 100 % de structures de santé intégrées dans la division provinciale de la santé du Nord Kivu n’ont pas connu de rupture de stock en tests de diagnostic rapide (TDR) malaria ;
